Le Vol transparent du Magnifique

Après de longues années passées au Canada, Maïté Soum a travaillé comme professeure d’espagnol en Amérique du Nord, du Sud et dans l’Océan indien. En marge de son parcours professionnel, Maïté n’a jamais cessé de cultiver sa passion pour l’écriture et la peinture. Le Vol transparent du Magnifique est son premier roman.

Comment devenir quand on naît rien ? Peut-être en suivant le vol transparent d’un harfang des neiges, lui qui trace un chemin initiatique reliant la mère et l’enfant, la nature et les hommes, les Pyrénées et la batture québécoise. Ce texte - une toile peinte avec des mots – est une autofiction poétique où s’entrelacent des élans symboliques, des éclats de mémoire et des vérités sorties du plus profond de soi.

En participant à cette campagne de lancement, vous rendez possible la parution de ce livre qui explore de façon si intime les thèmes du manque et de la quête de soi lorsqu’on est orpheline. En le lisant, vous vivrez un voyage lumineux, qui pourrait être le vôtre si vous êtes également sur la voie de la résilience.

Je vous invite donc à suivre le Magnifique dans son vol symbolique à travers la toile de ce texte – poème - musique -tableau - où les fils s’entrecroisent : fils du présent réveillant les souvenirs et renvoyant à des strates différentes du passé, à des êtres et des univers proches ou lointains, réels, rêvés, à des voix qui se juxtaposent, se mêlent ou se font écho.

Extrait  

Les nuages. Personne, pas même Rémi, mon compagnon de jeux, ne les avait explorés mieux que moi. Quand ils envahissaient le ciel en troupeaux serrés, je me couchais dans l’herbe et, comme on tire à soi une couverture douillette, je me recouvrais de leurs édredons légers, les soulevais à ma guise, les écartais, les déplaçais, les fouillais jusqu’à ce que je la découvre, elle, ma mère, allongée sur sa couche molle, les seins gonflés de lait ouaté, les cheveux en lourdes mèches floches s’échappant d’une mantille épaisse brodée de fleurs blafardes et floconneuses. Rémi collait alors sa tempe à la mienne, suivait de son doigt pointé vers le ciel ces amas impondérables et mouvants que je poussais devant ses yeux clairs et demandait :

− Tu l’as vue ?

− Bien sûr ! Là, regarde, derrière cette colline. Elle a mis sa robe qui traîne.

− Ah oui ! Et un grand chapeau. Oh ! Elle l’enlève...

− Oh non ! Pas déjà ! Ça veut dire qu’« IL » va l’emporter.

« Il » c’était cet oiseau blanc aux yeux de lune qu’un coup de vent soudain amenait de par-delà des collines de laine cardée. Il la prenait lentement dans ses ailes immenses en faisant tomber son chapeau, défaisait sa longue robe et se mêlait à elle pour ne plus faire qu’un seul être diaphane, s’effilochant lentement jusqu’à ce qu’il disparaisse dans les vagues moutonneuses d’un immobile océan céruléen.

− Partie ! Alors Rémi se levait d’un bond en riant, m’entraînant déjà dans un autre jeu, vif comme les mésanges qui se poursuivent de branche en branche avant de se laisser tomber sur le sol pour y conclure leur dispute ou leur parade nuptiale.