Je ne suis jamais vraiment partie

Je suis une femme ordinaire, un peu plus de 40 ans, ou devrais-je dire, pas si loin des 50. Une vie simple, mais précieuse, parce qu’elle est la mienne. Mariée depuis 20 ans, maman de deux enfants formidables, entourée d’une famille aimante et d’amis sincères. 

Comme tout le monde, j’ai mes qualités, mes défauts, un soupçon de névrose aussi… mais je me rassure en me disant que je ne suis sûrement pas la seule ! Caractère bien affirmé, parfois envahie par l’angoisse… Mais par-dessus tout, je suis amoureuse de la vie. De ses couleurs, de ses parfums, de sa richesse inattendue. Parce qu’au fond, malgré tout, la vie est belle.

Ce livre, que l’on pourrait appeler une autofiction, est né de mes souvenirs, de mes valeurs… et de mes peurs. Il a vu le jour le soir, lorsque tout se calme enfin, dans ces quelques instants suspendus avant de sombrer dans le sommeil. Parfois, il m’a aidée à m’endormir. D’autres fois, il m’en a tenue éloignée.

Il résume trente années de réflexion, d’espoir, de et si seulement… Il parle d’une maladie tristement populaire, presque à la mode, mais toujours profondément destructrice : la dépression. La vraie. Mais sa particularité, c’est que je ne suis pas celle qui en souffre. Je suis sa fille. Celle à qui la dépression a volé sa mère… à l’âge où j’aurais dû lui parler de mes premiers amours.

Un sujet banal ? Peut-être. Mais un sujet qui a bouleversé ma vie. Qui m’a fait me demander, pendant trente ans : suis-je assez bien pour qu’on m’aime ? Suis-je assez bien pour rivaliser avec une mort choisie ? Ce livre aborde un thème sombre… mais en couleur. Car, au fond, ma force réside peut-être là : réussir à mettre un peu de lumière, de nuance, de vie, sur un écran noir.

Extrait  

Je voulais juste être aimée. Pas être la reine du bal ou la star du collège. Juste être attendue à la sortie des cours, aller avec elle acheter mon premier soutien-gorge, lui parler de mon premier amour, l’entendre râler quand je rentre trop tard, la voir s’asseoir, terrorisée, pendant mon examen de conduite, partager le stress des résultats du bac. L’avoir là, pour choisir ma robe de mariée, se disputer sur la longueur, le décolleté, les froufrous. Rire ensuite. La voir découvrir ses petits-enfants. Les serrer. Les aimer.

Alors oui, pour survivre à tout ça sans elle, il me fallait comprendre. Comprendre ce geste fou. Ce geste à la fois atroce et courageux, qui m’a laissée là, au bord d’un précipice, toute petite, mais obligée d’apprendre à tenir debout. À comprendre, pour ne pas sombrer. Et ce soir, chez Jeanne, entre deux larmes, deux silences, deux souvenirs qui piquent, j’ai peut-être fait un tout petit pas. Un minuscule. Mais un pas quand même. J’ai continué en lui disant que pour vivre tout ça sans elle, je devais comprendre ce geste. Il me fallait des réponses. Sinon, comment avancer ? Comment élever mes enfants, aimer, faire confiance à la vie, si je n’arrivais pas à donner un sens à cette absence brutale et définitive ?

Alors j’ai lu, j’ai écouté, j’ai questionné. J’ai compris que la dépression est une maladie féroce, silencieuse, qui grignote lentement tout ce qui rend la vie supportable. Ce n’est pas une faiblesse, ni un manque de volonté. C’est une chute, longue et invisible, à l’intérieur de soi. La mélancolie, elle, est sa sœur discrète, celle qui ne crie pas, mais qui chuchote à l’oreille que tout est vain, que plus rien ne vaut l’effort. Et ma maman, dans ce silence-là, s’est retrouvée enfermée. Ce n’est pas moi qu’elle a quittée.

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