Le secret du Duc

Désiré Valien est un naturaliste marcheur qui parcourt les terres de Lozère et du Cantal, du Gévaudan à l’Aubrac, à la rencontre des gens et des paysages. Passionné de botanique et de géologie, il s’adonne à des réflexions philosophiques sur le sens de la vie en groupe social.
Influencé par JRR Tolkien, il se penche avec enthousiasme sur les beautés fantastiques de cette région montagneuse, au riche passé géologique et humain.

Le secret du Duc est le troisième roman de la tétralogie des Amourettes. S’attachant à suivre tout au long des vallées de la Truyère et de ses affluents, les relations d’amitié et les attirances au sein de ce groupe de marcheurs mené par un maître philosophe, ce troisième opus se penche sur le passé historique de la guerre de Cent Ans ou des guerres de religion, au milieu de terres rudes aux hommes courageux. Mais une telle richesse architecturale et événementielle ne peut se départir de mystères ancestraux, transmis par voie orale et contant les relations entre l’homme, le loup et des êtres fantastiques, comme la vouivre, au cœur d’une nature sauvage où palpitent beaucoup de bien et peu de mal. L’amour et l’amitié y sont rois, la quête d’un secret, la mission qui leur est dévolue.

Extrait du chapitre 17

Ils doivent reprendre leur file indienne sur le sentier très caillouteux, coincé entre deux fortes pentes couvertes de genêts et de longues herbes jaunies. Ils marchent prudemment, mais ne sont pas sujets au vertige pour autant. Il s’en faut de peu.

Le poète s’exclamant : Regardez tout en bas. On devine le Bès, au moins cent mètres plus bas que nous.

Le disciple : Et là-haut en face, cinquante mètres plus haut que notre chemin, ce sont des ruines, non ? On dirait bien un donjon et les murs d’un château.

Le marcheur, satisfait : Alors nous sommes tout proches de la cluse. Encore un petit effort.

La rive droite face à eux découvre d’énormes pitons de granite gris, tombant à pic dans la profonde vallée de la rivière. Leur sentier court maintenant sur une succession de dalles grises, à l’ombre d’arbrisseaux, de noisetiers et de bouleaux faméliques, quand Rizzie se met à gronder, rabat ses oreilles et met sa queue entre ses pattes. Modestine n’est pas en reste, qui renâcle et met ses oreilles en arrière.

Chrystel, d’une voix sourde : Danger devant !

Princesse, confirmant : Rizzie a peur.

Le disciple se faufile, dépasse Anne et Anaïs jusqu’au maître. Le marcheur s’est arrêté. On ne voit qu’à courte distance, car un grand virage à droite semble envelopper l’énorme piton de la Roche longue. Le maître sort son sabre et demande au marcheur de s’arrêter, il le dépasse, suivi du disciple. Au sortir du virage, à une trentaine de mètres, une grande plateforme de granite ferme le chemin. Et à son sommet un énorme loup à l’échine hérissée, puis un deuxième, un troisième. Leurs babines se retroussent et ils ploient légèrement leur train arrière comme se préparant à bondir. Le maître lève la main gauche en signe d’arrêt.

Le maître d’une voix d’outre-tombe : Laissez-nous passer. Écartez-vous. Ne me mettez pas en colère !

Comme il lève son sabre du bras droit et tend son bâton de bambou devant lui de la main gauche, les deux loups de tête s’écartent et laissent passer un monstre. Perché sur la grande plateforme, beaucoup plus grand que ses congénères, il semble terrifiant avec sa fourrure noire. Le maître s’avance pour l’affronter.

Le disciple, hurlant : Arrêtez Maître ! Soumettez-vous, c’est le loup du duc. Regardez sa tache blanche.

Le disciple met un genou à terre et baisse la tête en soumission, le maître qui s’est retourné l’imite et tend devant lui à bout de bras son sabre et son bâton et les poses au sol.

Derrière eux, c’est l’effroi, les jambes tremblent et les regards fuient, épouvantés.

Le disciple, parlant d’une voix enjôleuse : Loup, grand ami loup du duc Rodolphe, que voulez-vous nous dire ?

Le loup ploie ses pattes avant, comme une révérence de reconnaissance du disciple, puis il tourne la tête vers la droite en direction des ruines d’Arzenc et semble les fixer de son regard jaune.

Le disciple, qui a suivi les mouvements : Nous faisons fausse route c’est cela ? Vous voulez que nous allions aux ruines ? Parlez-nous, Loup !

À l’instant le loup du duc, car c’est bien de lui qu’il s’agit, tend le cou vers le ciel imité par ses trois compères et tous se mettent à hurler à la mort. En écho, un éclair zèbre le ciel et un grondement de tonnerre déchire toute la vallée. Rizzie à son tour hurle sa terreur.

Le disciple, criant pour couvrir le tumulte : Demi-tour, il faut passer par l’autre rive. Vite, l’orage arrive. Maître passez devant moi, je ferme la garde.

Chrystel, serrant la tête de Modestine : Demi-tour, ma belle !