MÉMOIRE EN REBOND

Eddy Caramédon est citoyen français d’origine mauricienne exerçant plusieurs activités artistiques à Paris depuis environ  quarante-cinq ans. Auteur/Compositeur/Interprète/Producteur phonographique, il est aussi actif dans le domaine de la littérature. Il a déjà  publié trois livres dans son parcours d’écrivain, ainsi que de nombreux poèmes récompensés. 

Ce livre est  un “témoignage” aux multiples récits. Chacun de nous a déjà aspiré  un jour à mettre le sien en lumière. Raconter l’histoire de ses origines , le vécu de sa famille d’une époque très éloignée, est un exercice fantastique et exaltant, où se mêlent complexité et délicatesse. Eddy Caramédon se forge d’une passion, d’une bouillonnante énergie à le faire en allant chercher  dans les arcanes du passé des faits marquants de cette période. Beaucoup d'images resurgissent et paraissent à la fois obscures et claires ; beaucoup de sonorités aux décibels variés résonnent de loin, décrivant des tranches de vie de la vie difficile de ses ancêtres de souches diverses. Le  chemin de Malakoff, le couvent de Rose-Belle avec sa mère, et tant de clichés de Glen-Park à  Saint-Paul, de Maurice à Paris, devenue sa patrie, ne pouvaient pas rester enfouis dans sa seule mémoire et demeurer ignorés de celle des proches et des autres.                                                      Cet ouvrage, qui offre aussi un décor du cosmopolitisme mauricien, rappelant son histoire coloniale, s’adresse aux lecteurs de bord.  

Extrait du livre : 

          Bien des décennies plus tard, ma mère me racontera une histoire poignante à fendre le cœur, à fondre en larmes. Prise d’une tristesse, un dimanche, ne comprenant pas pourquoi sa mère et non plus son frère adoré Sosthène n’étaient pas venus la voir la semaine précédente, elle est sortie du couvent, pourtant ultra protégé, pour se rendre à la gare ferroviaire de Rose-Belle. Elle a attendu longuement l’arrivée du train par lequel venait habituellement sa mère. Une fois qu’il était là, elle se fit une immense joie de pouvoir la revoir. Haussant sa petite tête en la valsant à droite à gauche au- dessus du flot des passagers qui descendaient, elle cherche le visage d’Hélène. Elle voit beaucoup de gens, des embrassades autour des retrouvailles, sauf sa mère qui n’apparaissait toujours pas dans la foule. Puis, soudain le train hulule et crache quelques volutes de vapeurs suivies des coups de sifflets pour signaler son départ imminent. Le quai s’était presque vidé, à part quelques-uns qui faisaient au revoir de la main à leurs proches en partance. « Mère (c’est ainsi qu’elle l’appelait) n’est pas là ; elle n’a pas pu venir », se disait-elle. Un gros chagrin l’empoigna profondément, elle décida alors de partir à un arrêt de bus dans l’espoir de voir Sosthène. Lui, il voyageait plutôt par le bus même si c’était plus compliqué. De tous les gens qui descendaient des bus, Sosthène n’y était pas. Puis, vu l’heure qu’il était, elle comprit que lui non plus ne viendrait pas. Après ces heures d’attente futile, à son grand désarroi, elle reprit le chemin du retour au couvent avec le poids d’une lourde tristesse. En y arrivant, elle ne se doutait pas de l’accueil qui lui était réservé. La colère de la directrice se déversa sur elle comme un tonnerre. Le revers punitif était d’une extrême sévérité, elle fut enfermée dans le noir pendant des heures interminables, privée de nourriture et de boisson. Ces choses-là frappent l’esprit et lui laissent à jamais des stigmates. Or, cet épisode est resté pour elle comme une plaie non refermée tout au long de sa vie, elle en parlera dans de nombreuses conversations évoquant sa jeunesse difficile.