Toponymie Algérienne, Enjeux politiques et nécessité de la normalisation.

Titulaire d'un doctorat de l'Université d'Aix-en-Provence obtenu dans le domaine de la toponymie, l'auteur allie son ancrage académique en tant que directeur de l'Unité de recherche en toponymie du Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle (CRASC, Oran, Algérie) à une expertise internationale de premier plan. Son mandat de Vice-Président du Groupe d'experts des Nations Unies pour la normalisation des noms géographiques (2002-2012) et sa longue carrière en tant qu'expert ONU (1982-2024) lui confèrent une autorité reconnue dans le domaine. Il continue aujourd'hui à faire avancer la recherche onomastique en tant que membre du Conseil International des Sciences Onomastiques (ICOS).

Cet ouvrage propose la première étude complète sur la gestion et la normalisation des noms de lieux en Algérie, tout en élargissant la perspective aux enjeux internationaux. Son originalité réside dans sa double approche, géographique et administrative, qui dépasse le cadre purement linguistique pour révéler le rôle géopolitique du toponyme.
Ce travail comble un vide académique réel tout en offrant aux autorités publiques des outils concrets pour une standardisation efficace. L'étude accomplit un travail de déconstruction salutaire sur des idées reçues tenaces concernant l'héritage colonial et la politique toponymique post-indépendance.
L'ouvrage s'adresse à un public varié : chercheurs en sciences sociales, décideurs politiques, acteurs de l'aménagement du territoire et toute personne intéressée par le patrimoine culturel. Mon ambition est de faire reconnaître la toponymie en Algérie comme un enjeu de société à part entière, conciliant rigueur scientifique et utilité pratique, tout en œuvrant à valoriser et faire connaître ce patrimoine auprès des communautés nationale et internationale.

Extrait du livre : 

Au terme de cette étude, il ressort avec une clarté évidente que la toponymie transcende la simple nomenclature géographique pour incarner un palimpseste historique et un champ de bataille symbolique où s'inscrivent et s'affrontent les rapports de pouvoir, les revendications identitaires et les héritages culturels. Cette analyse, bien qu'introductive, permet de dégager des enseignements fondamentaux et d'esquisser des perspectives essentielles pour l'avenir.
La toponymie, un récit territorial multifacette : l'étude des noms de lieux révèle leur profonde ambiguïté : ils sont à la fois un outil technique indispensable à l'administration, à la navigation et à la coopération internationale, et un monument mémoriel immatériel qui fossilise les révolutions, les aspirations, les appartenances, les langues et histoires disparues, tout en légitimant les dominants (exonymes coloniaux et usurpateurs) ou en réparant les oublis historiques. Chaque nouveau régime apporte sa propre grille de dénomination, faisant de la toponymie un baromètre sensible des transformations politiques.
En Algérie, ce récit présente une richesse et une complexité particulières, mêlant les strates berbère, romaine, arabe, ottomane et française, formant ainsi une cartographie unique de son multiculturalisme historique. La diversité régionale – depuis la toponymie dense et hydrographique de l'Est algérien jusqu'aux appellations plus sobres et physiques du Sud et de l'Ouest – témoigne d'une adaptation intime aux modes de vie et à l'environnement.
Les enjeux de pouvoir et la quête de souveraineté narrative : Aucun toponyme n'est neutre. Le choix d'un nom, son maintien ou son changement sont éminemment politiques. Du changement de Côte-de-l'Or à Ghana pour renouer avec un empire précolonial, à la demande de Türkiye pour échapper aux connotations péjoratives en anglais, chaque décision constitue un acte de souveraineté narrative. Ces enjeux créent une dialectique irréductible entre, d'une part, la nécessité d'une normalisation internationale (portée principalement par l’UNGEGN) pour la stabilité et la sécurité, et d'autre part, la dynamique locale et mémorielle qui revendique un droit à l'auto-désignation. 
La résolution de conflits toponymiques, à l'image de ceux évoqués, montre que ces tensions peuvent être canalisées par le dialogue. D'un côté, ce type de processus démontre la possibilité d'une approche diplomatique et multilatérale. De l'autre, des cas comme la tentative d'imposition du terme « golfe d'Amérique » par les États-Unis, au détriment de l'appellation historique « golfe du Mexique » attestée depuis des siècles, rappellent que la force et la Realpolitik restent des facteurs déterminants dans les questions toponymiques.