Adapté.e.s entre et en dehors des murs

Ce livre a pour thème la santé mentale des soignants notamment celles et ceux exerçant en psychiatrie. À travers mon témoignage, je soulève les impacts sur la santé mentale quant à la profession de soignante en psychiatrie. Je mets en évidence les défaillances, les violences, parfois les aberrations et absurdités du système de soins et leurs répercussions sur les soignants et les soignés. Le titre "Adapté.e.s" est mon point de départ. Il fait partie du vocabulaire entre les murs des établissements. Souvent trop usé et utilisé, aujourd'hui il n'a plus de sens, car comment demander aux patients de s'adapter à notre société alors que nous mêmes nous pouvons rencontrer bon nombre de difficultés et d'obstacles pour nous y adapter - conformer ? Ce livre ne décrit aucunement la "journée type d'une infirmière en psychiatrie". Ici, il ne s'agit pas de faire de l'effet à travers le sensationnel. Il est question de mettre en avant et d'encrer la parole de chacun.e des soignant.es que j'ai rencontré au fil de cette écriture thérapeutique. Le but initial était de me soigner, aujourd'hui ce livre aspire à apporter quelques réponses, voire du réconfort auprès des futurs lecteurs, qu'ils soient soignants ou soignés, entre et en dehors des murs, paumés et bloqués dans une vie professionnelle - personnelle qui tourbillonnent et embarque dans une chute dont il est difficile de se redresser. Trop peu de témoignages sont accessibles quant aux conditions de travail des soignants en santé mentale. Il est certainement temps de remédier à cela. 

Extrait

« En tant que soignante, j’ai fait preuve d’adaptation jusqu’à la chute. Il est demandé à la majorité des soignants d’être dotés d’une capacité d’adaptation à toute épreuve. Je me trouvais écorchée de toute part. À force de s’adapter à tout et à tous, on finit forcément dans l’oubli voire l’ignorance de soi… Les premières bribes n’ont bien évidemment aucun sens au commencement de l’écriture. Elles ressemblaient à un bordel qui frôlait la mélancolie ou plutôt le sentiment d’insécurité dûe à la perte de soi.   J’ai tout posé ici à l’intérieur de ce “petit” pavé. Je me suis défaite de tout et de vous tous, un choix couplé à une nécessité absolue qui m’a permis d’entrer au cœur de ma thérapie. Je me suis vue dans l’obligation de prendre mon temps et de respecter cet impératif qui consiste à s’observer dans le miroir. Le profil se voit éclairé par une lumière excessivement forte et brutale. J’apprivoisais mon reflet, et constatais que les traits de mon visage étaient devenus quasiment imperceptibles, preuve irréfutable d’une ignorance de soi. Cette réalité effrayante ne laissait de place qu’aux lourds bagages des années passées prenant la forme de deux poches couleur bleu grisâtre sous les sphères oculaires. Pour comprendre cet état d’être, il fallait rebrousser chemin. Je me suis lancée. J’ai rassemblé des faits et les ressentis qui m’ont traversée, remplie et construite au cours de ces neuf dernières années. Je me suis plongée dans des archives, des photos, des vidéos, des messages, des écrits éparpillés sur des supports divers et variés. J’ai déterré, puis regretté d’avoir déterré des souvenirs que je croyais oubliés. Je n’avais plus d’autre choix que de partir en quête de quelques fragments identitaires. Il paraît qu’il y a toujours une solution, la seule que je pouvais entrevoir était celle de me relever après la chute. »