FALLAIT PAS ME PARLER

J'aime l'écriture de Yasmina Khadra, ses romans sont sobres et les faits racontés disent la difficulté à exister.

J'ai écrit un mélodrame pour dire que l'on peut aimer une personne fragilisée par une vie cahotée et des traitements médicamenteux mal adaptés qui nuisent une nouvelle construction de couple.

Ce livre peut être lu par un public curieux. En écoutant la vie de personnes que nous croisons, chacun peut écrire son histoire. 

Extrait

1 (2020)

Excusez-moi, j'étais dans la lune.

Ah ! Vous lisez aussi ? Quel est le titre du livre que vous avez dans la main ?

Dans le parc d'été, les couleurs émeraude envahissent une journée banale, la lumière ancrée aux façades force à baisser les paupières.

Pierre rentre de la ville nonchalamment après être allé passer un peu de temps en librairie à fouiner sur les étals. Le choix est en adéquation avec l'humeur du jour.

Louise adore traverser ce petit parc boisé où Pierre demeure. Voir et entendre cette nature la transporte en rêves éveillés. Elle y passe à chaque retour de chez son médecin, mais c'est la première fois qu'ils se rencontrent.

Je choisis les livres au feeling, je suis éclectique dans mes choix. Le titre et le résumé attirent mon attention. Cette semaine, c'est L'Été des quatre rois.

J'adore lire également, des heures entières. Je passe dans ce jardin régulièrement, c'est un raccourci pour rentrer chez moi.

Vous voulez qu'on discute un peu ? Il y a un banc sous les arbres, aujourd'hui l'ombre est la bienvenue.

Moi, c'est Louise.

Pierre.

Assis côte à côte, un échange se construit, les mots s'enchaînent, des regards discrets se prolongent. Une phrase puis une autre emplissent la fin d'après-midi dans une timide complicité.

Elle est en jupe sous le genou et tee-shirt vert pomme, en harmonie avec la teinte des feuilles d'été. Les fins nu-pieds découvrent la peau harmonieusement hâlée. Une paire de lunettes cerclent des yeux foncés comme le tain du miroir où l'on s'attarde. La chevelure, surprenante, frisée, courte, poivre et sel, sied à son visage aux joues creuses et au nez aquilin.

Ils parlent de tout ce qui leur passe par la tête : les enfants (elle en a deux, il en a trois), du quartier qu'elle connaît et qu'elle ne quittera plus. Lui est dans cette résidence depuis à peine une année, à quinze minutes du centre-ville ; la décision pour l’acquisition de l'appartement fut vite entérinée.

J'ai lâché le portillon tout à l'heure sans voir que vous étiez derrière moi.

Oui, mais involontairement et, en homme bien élevé, vous l'avez à nouveau ouvert pour me faire passer. J'ai apprécié. Vous êtes attentif !

Je pense l'être. Je suis surtout attentionné, quelquefois trop, ça peut agacer.

Qui peut se plaindre d'être aux petits soins ?

Pierre est classique dans le choix de ses vêtements, sa penderie est peu fournie. Il porte un pantalon beige clair, une chemisette bleue, des baskets de teinte identique. Une paire de lunettes noires et rondes contrastent avec ses cheveux blancs. Quelques activités à l'extérieur le font bronzer sans pour autant le chercher.