Julie Stratford-Double tour(s)

Jean Déchamps, romancier, né dans le sud ouest de la France. Je me reconnais dans le voyage, ce qui m'offre une ouverture sur le monde, à mon écriture. Je suis aussi metteur en scène et réalisateur de films documentaires. Enrichi par une vie passée à Londres, New York, Cape-Town, Sidney, Cayenne, Bordeaux, par des périples autour du monde, j'aborde dans mes romans des thèmes universels d’ici et d’ailleurs, en apportant par le prisme de mon écriture une vision poétique et sensuelle.

Je réalise des films documentaires, ex : Il était une fois demain, Entre deux eaux le Courant d’Huchet et Cacao en Guyane, l’agriculture chez les Hmong. Metteur en scène avec des pièces de théâtre comme ( l'hôtel de l'oubli, le bloc débloque, l'académie des mots, les corps rompus, etc.)

Auteur de plusieurs romans, ex : Avide départ et Une ombre sur l’épaule, de nouvelles, de contes et de chansons, j'affectionne particulièrement le terme de conteur à travers une littérature que l’on dit riche, unique et surprenante. J'aborde dans mes romans des thèmes universels d’ici et d’ailleurs, en apportant par le prisme de mon écriture une vision poétique et sensuelle.

Je pense depuis toujours au lien qui lie le romantisme de William Shakespeare au mouvement punk. J’ai imaginé l’histoire d’une jeune femme anglaise d’origine corse qui travaille dans un pub anglais et qui traîne sa mélancolie, assaillie par des hommes qui se perdent dans la Lager en supportant Arsenal et Manchester. Un jour le fantôme de Joe Strummer* lui apparaît. C’est l’histoire d’une âme qui vient se confronter au monde du réel et qui vient règler ses comptes avec son histoire. Julie, suite à un accident décide de changer de vie. Elle est curieuse et veut goûter au plaisir de la nouveauté. Un bus n°52 va disparaître sur la longue artère de Knightsbridge. Il emporte celle qui fait vibrer les magazines de mode et les avions au-dessus de l’Atlantique.

*Joe Strummer, chanteur, guitariste et compositeur charismatique du groupe The Clash

Extrait  

J’ai vu mon joli minois entre la vitre du distributeur de rêves et les petites rondelles mica. Le reflet de ma table et de mon verre de rhum y étaient certainement pour quelque chose. Puis, Il m’a semblé entendre le froissement d’une paire d’ailes, suivi d’un cortège de sensations qui vous invite à prendre de la hauteur, sans prendre de distance avec le fait d’être anormalement humaine. Ca sentait la fin de soirée, les bouches trop maquillées ressemblaient à d’énormes fraises chimiques, les joues des buveurs viraient du pourpre au violet. Le patron s’emmerdait comme tous les soirs et moi, je n’avais plus qu’une envie, c’était de rentrer dans mon petit chez-moi et d’oublier le temps qui passe et vous fausse compagnie, comme une nuit des plus sombres...

Au territoire des ombres et des ambiances feutrées, j’ai commencé à sentir un léger frisson, l’air devenait frais. Il faut dire que, comme toute jeune fille exubérante, je déballe mes attributs; ma peau blanche s’hérisse au moindre courant d’air. La cloche se mettait à retentir, chassant les occupants des tables bousculés par le patron. Alors la meute rechignait à trouver la porte de sortie. Les garçons avachis, à aucun moment, ne suggéraient la promiscuité avec un monde appelé les filles. Aussi, un à un, ils rampaient jusqu’au trottoir lavé par une pluie savamment distillée par les conduits et les bouches d’égouts. Les filles qui suivaient le même chemin étaient à peine plus présentables. Il ne restait plus qu’un jeune, d’allure fine, qui contemplait le fond de son verre. Il lui parlait dans une langue que lui seul comprenait. « Dehors, Terry, » lui a dit un ton fraternel le gérant du pub. « Tu es le dernier survivant de la soirée. » « C’est bon, j’ai compris, » lui répondait le jeune. « Tu veux bien, » lui a dit implicitement le boss en indiquant la rue. « Fais comme les copains, direction chez toi. Allez, plus vite que ça. Tu veux me faire avoir des problèmes avec la loi. C’est comme ça que ta mère t’élève ? » Le jeune a haussé les épaules. Mes ongles étaient fins, mes lèvres douces, et je n’étais pas foutue de le prendre par la main et de l’accompagner dans une nuit sans promesse.

****

Quel sortilège, je prends cela comme un compliment et m’en délecte, façon de voir jusqu’où ira le leurre. Victor, si beau se voudrait polygame, il en est juste incapable. Puceaux vertueux, son incompétence me taraude à tel point, que j’en suis à lui proposer un échange en la matière. Nos peaux alanguies sur le voile d’un nuage, nous sommes deux anges asexués. Il ne sait pas par quoi commencer. D’ailleurs, va t’il l’évoquer ce trouble qui traduit manifestement son manque d’aptitude à aimer une autre femme. Il m’a parlé d’un idéal féminin, je pouvais le concevoir. Embarras sans équivoque, sous aucun prétexte je ne le veux chaste à mes côtés. Ses confidences viendront après un embryon d’élan envers moi. Suite à bien des efforts, parce que je ne renonce en rien, il parvint non sans mal, pas à transformer son appétit sexuel, mais à me raconter un ressenti, de ce qui fut pour lui une passion jamais égalée. Je l’écoutais, feignant de me livrer à tous les détails qu’il cru bon de partager. Oui, il était amoureux de sa plastique, de sa fougue, de son attachement sans limite à atteindre tous deux la péninsule symbolique de l’orgasme. Il aimait cette femme, sa voix le perçait intégralement. Dans le frottement de chaque pas de danse, entre chaque mesure, il revivait le balancement si chaloupé de ses hanches.