Par Robert Tirvaudey
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Titulaire d’un D.E.A d’Histoire et d’un Master de Lettres modernes, je m’intéresse à toute chose littéraire, au sens large. Je suis avant tout professeur de philosophie, d’un naturel calme et serein, sauf quand j’écris des textes philosophiques ou littéraires, où je suis inquiet et crispé.
Je m’inspire de tout : des faits divers, de la littérature, du cinéma, de la philosophie dans la mesure où l’enquête philosophique est voisine de l’enquête policière.
Pourquoi écrire ce recueil ? J’ai écrit des nouvelles policières pour plusieurs raisons, à la fois littéraires et humaines :
Captiver le lecteur : le suspense, l’enquête et le mystère tiennent le lecteur en haleine. On veut savoir qui a fait quoi, pourquoi et comment.
Explorer la logique et la déduction : la nouvelle policière met souvent en valeur l’intelligence, l’observation et le raisonnement. Elle permet d’exercer l’esprit critique et logique.
Révéler des aspects de la société : derrière l’enquête, il y a souvent une critique sociale (corruption, inégalités, violence, secrets familiaux…). C’est un miroir des tensions humaines.
Créer des émotions fortes : suspense, peur, surprise, satisfaction quand le mystère est résolu — ce sont des émotions intenses qui plaisent aux lecteurs.
Format court et efficace : la nouvelle policière condense intrigue et résolution en peu de pages. Cela me force à aller droit au but et à ménager des effets de surprise.
On écrit (et on lit) des nouvelles policières parce qu’elles divertissent, stimulent l’esprit et reflètent le monde réel à travers le prisme du mystère.
Je vous propose d'être acteur de la naissance de mon livre en m'aidant à faire de sa parution prochaine, avec les Editions Maïa, un succès. Plus les préventes seront nombreuses, plus mon livre sera promu et diffusé. En retour, vous serez présents dans le livre en page de remerciements et vous recevrez le livre en avant-première, frais de port inclus !
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Professeur de philosophie, docteur en philosophie, auteur de nombreux ouvrages, dont notamment des recueils de poésie (Nacht, Possibilité du chaos, In Vitro), de nouvelles (Un monde obscur, L’ombre de l’homme), et d’essais philosophiques (Le bonheur chez saint Thomas, Esthétique de l’existence chez M. Foucault, La Philosophie d’E. Mounier, etc.)
Le thème de cet écrit consiste en un recueil de nouvelles sur le mode Noir/Policier/Triller.
L’originalité de ce recueil de nouvelles est de combiner la noirceur de l’ambiance, le policier, et le thriller. Parfois, certaines nouvelles ont une part de fantastique, c’est le cas pour Mrs Covington ; d’autre fois, c’est le merveilleux qui l’emporte avec La belle morte.
Contrairement à d’autres récits, tout repose sur une énigme à résoudre. L’originalité est de semer des indices, de brouiller les pistes et de surprendre le lecteur à la fin. Mes nouvelles ont une structure classique crime, enquête, révélations, résolution. Parfois j’inverse l’ordre, en laissant le lecteur dans le doute ou en cachant la vérité jusqu’au dernier moment. Dans une nouvelle, on n’a pas le temps de développer de longues intrigues comme dans un roman policier. Mon originalité est donc d’aller à l’essentiel, avec peu de personnages et un cadre restreint, tout en gardant du suspense. Ce qui explique leur brièveté. J’implique le lecteur : il devient détective, essaie de deviner l’identité du coupable avant la fin. Ce qui implique une écriture extérieure. Cette participation rend le genre unique. L’originalité vient aussi du décor (une enquête dans une night-club, dans un village isolé…), du point de vue (l’histoire racontée par le coupable, la victime ou même un objet témoin !) ou du style (humour, ironie, noirceur).
Mes nouvelles policières s’adressent à plusieurs publics, selon leur style, leur complexité et leurs thèmes. En priorité à un public jeune (collégiens, lycéens) puisqu’on y trouve des intrigues simples : un deal, une disparition, un mystère. L’objectif est d’initier au raisonnement logique, donner le goût de la lecture et du suspense. Les intrigues sont plus complexes, parfois psychologiques, avec des crimes plus sombres (meurtre, corruption, complot…). Ici le but est de questionner la société, explorer la nature humaine, provoquer des émotions fortes. Les passionnés de mystères apprécient les jeux d’indices, les retournements de situation et les enquêtes originales. En clair, mes nouvelles policières s’adressent à tous, selon, son ton et sa difficulté. Elle peut être ludique et accessible pour les jeunes, ou plus réaliste et troublante pour les adultes.
Pourquoi les gens auraient-ils intérêt à participer à sa création ?
D’abord, ils aiment une enquête, découvrir des indices et piéger l’auteur dans un vrai jeu intellectuel. Beaucoup aiment inventer des énigmes et des rebondissements.
Écrire une nouvelle policière, ce n’est pas seulement inventer une histoire : il faut réfléchir comme un détective et organiser le récit pour que tout « tienne debout ».
La nouvelle policière permet d’écrire une intrigue complète (début, énigme, fin) sans la longueur d’un roman. C’est motivant et accessible, même pour les débutants.
Derrière un crime ou une enquête, le lecteur a affaire à des thèmes profonds : la justice, la vérité, le mensonge, les rapports humains, les inégalités sociales. Éprouver
le frissonnement, le suspense, la peur, la surprise, satisfaction quand on découvre la vérité. Donner une envie d’en écrire pour capter ce même public.
Mes aspirations ou ambitions : J’aspire non pas à être connu, célèbre, mais reconnu par mes pairs nouvellistes et philosophes.
La théorie des branches
Nicolas Lemarchand était énervé et il avait soif.
Avoir envie de boire lui donnait une humeur de chien.
Avoir une humeur de chien lui donnait soif.
Il aurait bien aimé rentrer chez lui pour voir sa petite famille et surtout descendre quelques verres. Il détestait ces petits tremblements au bout de ses doigts et la sueur désagréable qui lui coulait le long de la colonne vertébrale. Avec ce temps chiasseux de novembre, il n’allait pas tarder à chopper une pneumonie s’il ne prenait pas vite une bonne douche chaude. À cette heure, il ne savait pas s’il celle-ci aurait lieu avant ou après son premier whisky.
Jeune inspecteur, il avait intégré la toute nouvelle équipe qui traquait ce dément qui trucidait des hommes et des femmes un peu partout. Ce n’est pas qu’au bout du quatrième meurtre qu’on avait identifié les agissements d’un tueur en série. Seulement voilà : la neuvième victime avait été découverte une semaine et l’enquête piétinait toujours. La PJ était sur les dents, le garde des sceaux était furieux et harcelait le directeur tous les jours. Le gouvernement, récemment élu sur un programme sécuritaire, voyait d’un mauvais œil les cadavres de personnes sans histoire s’amonceler au fil des mois. Des têtes n’allaient pas tarder à tomber si aucune piste ne s’ouvrait.
Deux jeunes recrues étaient chargées de collecter les appels relatifs à l’affaire et on vérifiait absolument tout, même les plus farfelus. Nicolas avait hérité des voyants. Ils étaient nombreux à se manifester en certifiant qu’ils avaient une information capitale pour la police et proposer leur aide. Bien entendu à chaque fois, après vérification, en fait de capitale l’info était vague ou carrément bidon, et, en fait d’aide, c’était plutôt de publicité dont il était question.
Le dernier coup de téléphone émanait d’un certain Jacques Pitrel. Il se disait voyant, mais il n’était pas sur les registres du commerce. Ça ne pouvait vouloir dire deux choses : soit le type voulait profiter de l’affaire pour se faire connaître et s’installer ensuite, soit c’était tout simplement un illuminé. Nicolas n’avait jamais cru à toutes ces bêtises et trouvait que c’était une perte de temps. Aussi avait-il décidé de passer le voir avant de rentrer chez lui pour se débarrasser de la corvée. Il prendrait des notes et ferait son rapport demain. Celui-ci se terminerait comme les précédents : « Aucune information nouvelle susceptible de faire avancer l’enquête ».
Il eut quelques difficultés pour trouver où se garer. La ruelle était étroite et il dut poursuivre plus loin dans une rue perpendiculaire pour enfin descendre sa vieille Golf à bout de souffle. À chaque fois qu’il éteignait le moteur, c’était sans certitude de la démarrer à nouveau. Malgré tout, Lemarchand avait une certaine réticence à se séparer de son tas de boue. La pluie qui menaçait tomba drue et glaciale, dès qu’il posa le deuxième pied sur le bitume. Tête nue, l’inspecteur sentit sa mauvaise humeur monter d’un cran. Il grimpa péniblement la petite artère plongée dans l’obscurité.
Ce coup-là, c’est sûr, je vais avoir ma pneumonie.
« S’il n’a rien d’intéressant à me dire, je le coffre pour entrave à la justice ».
Il longea un grand mur et s’immobilisa, essoufflé et trempé, devant un grand portail en bois qui ne laissait rien voir de la propriété qu’il abritait. Il avisa une sonnette sur un interrupteur moderne, mais avant qu’il n’appuie sur le bouton, un « clic » métallique lui signifia qu’on venait de déverrouiller le portail. Le jeune homme regarda en hauteur mais ne découvrit aucune caméra. Mal à l’aise il poussa la lourde porte qui s’ouvrit sans grincement. La pluie cessa aussi vite qu’elle était apparue.
La maison était sur la droite et seule une ampoule nue sur le perron éclairait un jardin où les mauvaises herbes avaient pris possession des lieux et tentaient même d’engloutir une vieille carcasse de deux-chevaux. Un homme élégant se tenait en haut des trois marches, en pleine lumière. Il était vieux, mais d’un âge incertain et portait un gros gilet de laine. Ses lèvres fines, striées de rides, ébauchaient un sourire triste.
« Si c’est pour faire de la pub, il est temps qu’il s’y mette le croulant. Allez, finissons-en ! »
- Monsieur Pitrel, je présume, dit-il en serrant durement sa main tendue.
- Et vous êtes l’inspecteur Lemarchand, répondit-il en l’invitant à entrer.
- Désolé que vous soyez arrivé sous la pluie, dit Pitrel en lui tendant une serviette. Donnez-moi votre manteau et prenez le temps de vous sécher pendant que je remets quelques bûches dans la cheminée. J’ai des choses importantes à vous dire.
« Bah, voyons ! »
Quand le feu fut suffisamment réveillé, ils s’installèrent à côté, sur des fauteuils mités, l’un en face de l’autre. L’irritabilité de l’inspecteur baissa quelque peu à mesure que son corps se réchauffait.
- Voulez-vous une tasse de café.
- Ou quelque chose d’un peu plus fort.
- Désolé, je ne bois pas.
- Ah ! Je suppose que c’est mauvais pour le don.
- Absolument pas. Certains même affirment que l’ébriété améliore la voyance parce qu’elle lève les inhibitions. Je n’aime pas, c’est tout.
- Alors va pour le café, se résigna Lemarchand.
Pitrel s’absenta à peine quelques minutes et revint avec deux tasses fumantes sur un plateau en argent.
- Je crois que vous prenez deux sucres, dit-il en ajoutant les morceaux sans attendre la réponse.
Puis il s’enfonça à nouveau dans son vieux fauteuil en portant la tasse à ses lèvres. Ils s’observèrent de longues minutes en sirotant le breuvage brûlant. Lemarchand finit par rompre le silence pesant.
- Le coup des morceaux de sucre, c’est bien trouvé. Vous me direz comment vous prenez vos informations.
- Je n’en prends pas. Ils viennent à moi.
- C’est cela, ironisa l’inspecteur. Et si vous me disiez exactement de quoi il retourne. Vous nous avez contactés pour nous dire que vous avez des informations sur le psychopathe que nous recherchons.
- C’est exact.
- Laissez devinez : vous avez vu qu’il habite près d’une église et vous entendez au loin comme des bruits de voitures ce qui signifie qu’il est près d’une route, et tout ce genre de détails qui ne font pas avancer l’enquête, car ils peuvent s’appliquer à neuf personnes sur dix dans notre pays.
Pitrel ne parut pas déstabilisé. Il continuait à boire son café avec le même sourire désabusé.
- Vous semblez sceptique au sujet de la voyance.
- Bah, pour être franc, il est vrai que je ne partais pas au début de cette enquête avec un a priori positif. Depuis que je suis chargé de recueillir vos prétendues visions, mon opinion est faite, et elle ne tourne pas en votre faveur monsieur le devin. Mais, je ne me demande qu’à être convaincu.
- Il est vrai qu’il existe pas mal de personnes qui se disent voyantes mais qui le sont si peu ou même pas du tout.
- Argument que tous m’ont sorti pour ajouter ensuite qu’ils étaient différents. Et je suppose qu’il en est de même pour vous. Depuis quand exercez-vous ?
- Plaît-il ? répondit l’homme en reposant sa tasse sur la table basse qui les séparait.
- Depuis quand faits-vous des séances ?
- Il y a méprise, je n’exerce pas. J’en ai plus envie. Quand je me suis rendu compte que je voyais le futur, j’ai été grisé par ce pouvoir. Mais, avec le temps, tout ceci m’a passé. Je vous assure qu’il n’y a plus d’inconvénients que d’avantages à ma situation. Il faudrait vraiment me payer très cher pour que je fasse à nouveau ce métier.
- Alors que chez-vous au juste ?
- Ah, c’est une bonne question. Mais je ne peux y répondre qu’en voulant expliquer un peu plus de quoi il retourne.
D’un geste un peu théâtral, Lemarchand releva sa manche de son veston pour découvrir sa montre.
- Vous avez cinq minutes, pas une de plus, pour me dire tout ce que vous savez ou croyez savoir sur l’affaire.
- La plupart des gens voient la vie, le temps, l’avenir comme une ligne. Les événements s’enchaînent les uns après les autres. La réalité est beaucoup plus complexe que ça. L’avenir est un arbre aux branches infinies. Chaque branche est un instant qui ouvre sur des possibilités. Ces possibilités sont des branches plus petites qui s’ouvrent chacune sur de nouvelles possibilités. C’est la raison pour laquelle tant de voyants se trompent.
- Je ne comprends pas très bien où vous voulez en venir, il le coupa en regardant sa montre. Votre temps diminue.
- Les voyants ne voient qu’une branche à la fois. Autrement dit, ils ne voient qu’un avenir possible, pensant qu’il est certain de se produire. Mais en réalité, ce n’est qu’une éventualité. Ils tombent parfois juste, mais la plupart du temps ils se trompent. Ce qui manque le plus à ce type de personne, c’est l’humilité. Ils croient tout savoir.
- Sur ce point je suis d’accord avec vous !
- Je suis différent inspecteur. Peut-être un peu plus humble, mais ce n’est pas de ça dont il est question. Je vois les branches.
- En quelque sorte, vous seriez un super voyant… Ou un super charlatan.
- Ni l’un ni l’autre. J’ai juste un don particulier et j’en tire aucun bénéfice financier. Comme le dirait Monk à la télévision : c’est un don et une malédiction.
- J’aimerais bien que vous arrêtiez de tourner autour du pot. Pourquoi avez-vous demandé à me parler en particulier monsieur Pitrel ?
- Parce que je devais emprunter une des branches.
Lemarchand se leva brusquement.
- Bon je perds mon temps. Si vous avez quelque chose d’intelligible à dire, vous viendrez au poste pour faire une déposition.
- Je vais bientôt mourir, inspecteur. Je connais le nom de l’assassin et je sais pourquoi il tue.
Lemarchand regarda le vieil homme toujours assis. Toute trace de sourire avait disparu. Son regard était humide et presque suppliant.
- Écoutez, dit-il, en se rasseyant, je suis désolé pour vous, mais j’ai autre chose à faire que vous écoutez divaguer à propos de branche et d’avenir.
- Vous devriez arrêter de boire.
- Qu… Quoi ?
- L’alcool, il faut que vous arrêtiez. Tout ceci va mal finir.
- Qu’est-ce vous racontez comme sornette ?
- Vous pouvez nier jusqu’au bout de la nuit ce que je suis en train de vous dire, mais il n’empêche que vous êtes alcoolique, et que personne d’autre que vous pour l’instant n’est véritablement au courant. Votre épouse a des doutes, mais elle ne le saura réellement que dans treize jours, quand elle découvrira toutes les bouteilles que vous cachez dans la remise au fond du jardin. Elles sont dans la vieille malle en bois que vous avez récupérée chez votre père décédé il y a dix ans. Lui aussi buvait et en plus il vous frappait. Le soir de votre treizième anniversaire, ce gendarme un peu plus saoul que d’habitude est entré dans votre chambre et vous a mis un pistolet sur la tempe. Vous étiez terrifié. Vous avez uriné et déféqué sur vous cette nuit-là. Vous avez tellement honte que vous n’en n’avez jamais parlé à personne, même pas à la femme que vous aimez.
Lemarchand sentait son sang quitter les extrémités de son corps pour se réfugier à l’intérieur de ses organes comme pour en assurer la survie. Malgré la chaleur du feu, une vague de froid intense le traversa et il fut parcouru de frissons incontrôlables. Une larme coulait sur la joue droite du vieil homme et dans une larme s’amoncelait toute la compassion du monde.
- Alors, vous me croyez maintenant ?
- Racontez-moi tout ce que vous savez.
Pitrel sortit un mouchoir en tissu de son gilet de laine et se moucha longuement.
- Excusez-moi, je suis parfois ému par les malheurs d’autres personnes, surtout quand ce sont des enfants. Par où commencer ? Par les victimes peut-être. Ainsi, vous comprendrez mieux.
Il avait retrouvé son calme et parla d’une voix faible.
- La première victime s’appelait Olivier Billard. Il était charcutier et d’un naturel débonnaire. À l’époque, je mangeais encore de la viande et c’était chez lui que j’achetais le dimanche matin mon vol-en-vent. Un jour, seuls dans la boutique, nous nous sommes mis à discuter. Il avait une passion pour les timbres et moi aussi. J’en ai à peu près trente mille. Il me parlait avec enthousiasme de sa propre collection plus modeste mais qui comptait tout de même quelques pièces rares. Tout s’est passé quand il m’a dit au revoir. Il tenait absolument à me serrer la main. Alors j’ai vu une grosse branche d’arbre. Sa passion n’était pas que pour les timbres, les petites filles l’intéressaient bougrement. Chaque été il partait faire du tourisme en Thaïlande. Je vous laisse imaginer pourquoi. Mais les prépubères n’étaient pas assez jeunes. Il rêvait d’autre chose. Quand nos paumes se sont rencontrées, je l’ai vu étrangler une gamine de six ans après l’avoir violée.
- Vous n’avez pas appeler la police ?
- Mais pour leur dire quoi ?
- Mais bon sang, que ce type était un assassin !
- Mais ce n’était pas un assassin à ce moment-là. Il allait le devenir dans quelques mois. C’était ça la grosse branche. Bien entendu, j’ai regardé les plus petites pour voir s’il y avait un moyen d’éviter ça, mais toutes ramenaient invariablement au même endroit. Le dénoncer à la police l’envoyait en prison pour une dizaine d’années et il passait à l’acte plus tard. Lui parler débouchait sur ma propre mort. J’ai tout envisagé. Je désespérais jusqu’à ce que je découvre une alternative. La seule issue possible : sa disparition. Avec mes capacités, c’était facile de trouver le bon moment. Il vivait seul depuis le divorce. Je lui ai proposé de venir chez lui avec quelques timbres que j’avais en double. Il a accepté, sans méfiance. Je lui ai planté un couteau de cuisine dans la poitrine et un autre coup dans le ventre dès qu’il a refermé la porte. Il a mis plusieurs minutes à agoniser. Les plus longues minutes de toute ma vie. Il rampait dans le couloir de l’entrée pour essayer de s’échapper, mais je savais que les deux coups portés étaient suffisants et j’avoue ne pas avoir eu le courage d’abréger ses souffrances. Je me suis appuyé avec ma main sur le mur de gauche pour essayer de maîtriser les nausées. J’ai laissé l’empreinte de mon gant plein de sang. Ce détail n’est pas connu du public il me semble. J’ai vomi en tremblant chez moi ce jour-là.
Lemarchand écoutait cette confession et sentait à nouveau la sueur froide dégouliner entre ses omoplates. Les tremblements de ses mains s’accentuèrent de plus en plus.
- Vous vous demandez si je suis en train de vous raconter n’importe quoi, ajouta le voyant en se levant avec lassitude.
- C’est une histoire difficile à croire.
- Probablement. Pendant que je regardais le charcutier mourir je vis une femme. Elle s’appelait Geneviève Dupuis. Elle empoisonnait son mari et ses propres enfants, certaine qu’ils étaient possédés par le diable. Là aussi, j’ai cherché une autre solution jusqu’à conclure que la seule possible qui garantissait la survie de sa propre famille c’était qu’elle meure avant eux. Ce fut plus facile avec elle ; car elle était beaucoup plus frêle que Billard. Elle portait une robe à fleurs bleues. Ça non plus n’a pas été signalé au public. Quand elle s’est éteinte j’ai vu Mohamed Alkaoui entrer dans une supérette et se faire sauter. Comment faire comprendre à la police que ce jeune homme de quinze ans parfaitement intégré allait se radicaliser dix mois plus tard, faire dix-neuf victimes dont lui-même et en estropier vingt-huit autres ? J’ai fait ce qu’il fallait faire un fois de plus. À partir du troisième, j’ai amélioré ma technique. J’ai frappé directement au cœur et à la gorge. Et puis ainsi de suite.
La bouche de l’inspecteur était sèche comme une pierre du désert. Il avait énormément besoin d’un verre. L’homme poursuivait son récit et lui racontait précisément chaque meurtre avec des détails qui ne pouvaient s’expliquer que de deux façons : il était bel et bien l’assassin, ou il était bel et bien voyant. Lui racontait qu’il était les deux.
« Il est fou. Complètement fou. »
Il se laissa détailler les neuf assassinats de sa voix lasse presque éteinte, avec à chaque fois un détail connu seulement des enquêteurs. À la fin, le vieil homme se tut.
- Pourquoi me racontez-vous tout ça ?
Pitrel se leva et sortit du salon. Resté seul, Lemarchand se demanda s’il devait appeler du monde en renfort. Avec ce que venait de lui dire le vieux, hors de question qu’il rentre chez lui prendre un whisky. Il allait devoir le ramener au poste avec les menottes. Appeler l’officier de police judiciaire de garde, le procureur et tout le tintouin. Bref, sa nuit était foutue.
Ce qu’il pouvait savoir soif.
Son interlocuteur revint s’asseoir. Il tenait un sac plastique. Il plongea la main dedans pour en sortir un énorme couteau de cuisine dont la lame et le manche en bois étaient maculés de sang. Il le fit tourner lentement entre ses doigts sans pouvoir détacher son regard de l’objet. Lemarchand éprouvait un certain malaise. Discrètement il porta sa main droite à la ceinture et libéra la languette qui maintenait son arme de service.
- Je suis fatigué inspecteur. Épuisé d’être l’instrument du destin. J’ai tué neuf personnes pour en sauver au total une trentaine. Mais ça ne suffit pas à m’absoudre du remords qui me ronge. Je sais que vous me croyez fou, et je vous conseille de raconter ça à vos collègues. Mais je sais également que dans un peu de temps, vous serez convaincu que je ne le suis pas tant que ça.
- Je dois vous emmener monsieur Pitrel.
- C’est ce que vous devriez faire, mais sincèrement ça m’étonnerait.
Le vieux planta son regard dans le sien et Lemarchand compris instinctivement ce qu’il projetait de faire. Quand le voyant se jeta sur lui avec le couteau, il avait déjà dégainé son arme. Il tira une balle en pleine poitrine. L’impact projeta l’assassin exactement dans le fauteuil d’où il avait jailli. Du sang sortait de sa poitrine et de sa bouche. Tandis qu’il asphyxiait de son sang, il ne cessait de la regarder en souriant. Il vit la main du vieillard plonger dans sa poche de son gilet pour en sortir quelque chose. Il tira une deuxième balle en pleine tête. Un objet blanc tomba de la main inerte. C’était une feuille de papier pliée en quatre.
À bout de souffle, l’inspecteur dont le cœur peinait à reprendre son rythme plus lent, dépliait la lettre d’une main tremblante. L’écriture était fine et appliquée.
« Merci inspecteur, vous avez fait ce qu’il fallait. Regardez votre montre, il est vingt heures dix-sept. Ceci pour que vous compreniez que je ne suis pas fou. Tout du moins pas autant que vous pourriez le penser. »
Lemarchand prit le temps de s’exécuter. Sa montre indiquait l’heure exacte. Il reprit sa lecture.
« Lorsque j’ai tué la neuvième personne je vous ai vu inspecteur. Vous conduisiez la nuit, ivre malgré les suppliques de votre femme qui se tenait à côté de vous. Vos deux enfants dormaient sur la banquette arrière. Je vous ai vu perdre le contrôle de votre Golf pour vous encastrer dans un bus tuant ainsi toute votre famille. Puis j’ai vu un camion-citerne percuter le bus en travers et s’embraser, brûlant vif cinquante-trois enfants qui partaient en colonie de vacances, les quatre moniteurs, le conducteur du bus et celui du camion. J’ai continué de voir les branches qui partaient de ce tronc énorme, la somme de malheur que cette catastrophe allait engendrer en cascade et notamment la plus importante. Le fils d’un des moniteurs devenu orphelin de père perdra également sa mère qui se suicidera trente-sept jours plus tard. Élevé par son oncle et sa tante, sans amour, il en construira une haine du genre humain qui surpasse tout ce qui a été connu. Hitler en comparaison est un enfant de cœur. Très intelligent, il deviendra un homme reconnu et un orateur hors pair. Il prendra la tête d’un parti et arrivera au pouvoir avec secrètement une seule idée en tête : l’holocauste. Ce qu’il accomplira à peine huit ans après avoir obtenu les codes nucléaires.
J’aurais pu vous tuer, inspecteur et j’aurais dû le faire. Ou bien j’aurais dû me rendre au domicile du moniteur de colo et assassiner son bébé encore innocent de tous les crimes qui découleront de votre appétence pour la boisson. Je ne peux me résoudre à tuer cet enfant. C’est au-dessus de mes forces. Mais de cette énorme branche ne partait une minuscule qui me laissait entrevoir une autre possibilité que votre mort ou celle du gamin.
Il vous suffit d’arrêter de boire inspecteur, tout simplement. En écrivant ceci, je me rends compte à quel point la situation est absurde. Je sais seulement que si vous tenez bon, vous sauverez le monde Monsieur Lemarchand.
Un dernier conseil : personne ne doit lire cette lettre. Les éventualités où vous la monterez à quelqu’un sont toutes néfastes pour vous. Elles vous attirent un tas d’erreurs qui finissaient par vous replonger avec le dénouement que vous connaissez. Gardez-la tant qu’il sera besoin pour vous aider à vous remémorer les enjeux. Viendra un moment, je pense, où vous n’aurez plus besoin. Ce jour-là, s’il arrive, vous le saurez.
Vous n’aurez pas de seconde chance. Toutes les branches où vous rechutiez une fois vous ramènent sur la branche principale. Donc, ne ratez pas votre coup.
Je vous souhaite beaucoup de courage pour votre abstinence à venir et encore plus si nous n’y arrivez pas. Sachez que vous serez le seul survivant de cet accident. Brûlé au troisième degré sur plus de soixante pour cent du corps, défiguré, vous aurez le loisir de voir l’ascension du monstre. Vous deviendrez sobre, mais trop tard.
Bon courage inspecteur, et félicitation pour votre médaille. »
Lemarchand appela la police judicaire. La petite ruelle grouilla rapidement du monde. Il raconta comment l’homme fou, après lui avoir avoué ses meurtres, s’était jeté sur lui le couteau à la main. Le sang sur l’arme appartenait à la neuvième victime. On découvrit des billets de train compostés dont les dates correspondaient au jour ou la veille des crimes dans les différentes villes où le tueur avait sévi.
L’inspecteur fut décoré de la Légion d’honneur. Le jour de la cérémonie, toute l’équipe qui avait participé à l’enquête fut conviée. Ses collègues s’étonnèrent de le voir délaisser le champagne et le whisky pour une eau gazeuse.
Il quitta la police un an plus tard pour une reconversion comme éducateur de jeunes délinquants récidivistes.
Son épouse ne découvrit pas elle-même les bouteilles dans la cabane du jardin. Il les lui montra le lendemain et lui avoua son alcoolisme. Il jeta tout à la poubelle et détruisit la vieille malle de son père à coup de masse. Il n’eut pas besoin de suivre une cure de désintoxication. Il demanda quinze jours à son médecin traitant un arrêt maladie, but beaucoup d’eau, sua et trembla énormément, mais il tint bon. Le manque physique de l’alcool finit par disparaître.
Restait l’envie.
Il garda la lettre dans la poche intérieure de sa veste. Il la relisait tous les matins avant le petit déjeuner, et avant chaque sortie pour une réception où qu’elle soit.
Malgré une sourde angoisse qui lui étreignait le cœur, Lemarchand devait admettre qu’il était heureux. Mais il ne cessait de se méfier de lui-même, doutant de pouvoir un jour se faire confiance.
Cinq ans, deux mois et douze jours après cette fameuse nuit, il rentrait d’une soirée en pleine campagne dans sa nouvelle 308. Sa femme somnolait à côté de lui et ses enfants dormaient attachés sur la banquette arrière. Il terminait une longue ligne droite quand il vit un véhicule déboucher d’un virage deux phares aveuglants. Il ralentit et serra à droite en pestant contre le conducteur qui l’éblouissait. Le bus le croisa à vive allure et continua sa route pleins phares, suivi de près par un camion-citerne.
Ce soir-là, quand toute sa famille fut endormie, Nicolas brûla la lettre.
L’envie et la peur avaient disparu.
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Je suis un jeune écrivain de 24 ans, d’origine savoyarde, ayant trouvé refuge dans la terre des canuts. En perpétuelle quête de sens et de combat, l’écriture et la politique sont mes oxygènes. La publication de ce livre, je la dois en grande partie...
Tombé dans la musique à l’âge de cinq ans, je suis violoniste, passionné d’art, d’écriture et de l’humain dans toutes ses nuances. La vie m’inspire, dans ce qu’elle a de fragile et d’intense, comme la poésie des mots et la musique des émotions. Ma sensibilité...
Après une existence passée en grande partie à Paris, j’ai quitté le rythme de la vie effréné de la capitale, pour le calme du Parc Naturel Régional de la Brenne. Je m’investis néanmoins dans les activités de diverses associations. À la campagne ou au...
Art-thérapeute et médiatrice artistique , j’ai trouvé dans l’écriture, depuis toute petite , un refuge, une forme d’exutoire. L’art de mettre en mots les maux qui, parfois me collent à la peau…mais également une manière de dire ce qui m’émerveille, me...