Le poids invisible de la blouse blanche

Je suis une étudiante en soins infirmiers animée par le désir de comprendre et de transmettre ce que l’on vit vraiment derrière les murs de l’hôpital. L’écriture est devenue pour moi un moyen d’expression, une manière de transformer mes émotions en mots. À travers mes textes, je cherche à faire ressentir la réalité du soin : humaine, fragile et profondément authentique.

Le poids invisible de la blouse dévoile ce que beaucoup taisent : la souffrance psychologique et le doute qui pèsent sur les étudiants infirmiers, derrière l’image de la vocation et du dévouement. Ce livre unique plonge le lecteur dans l’intimité de ces jeunes soignants, entre pression institutionnelle, solitude et sentiment d’imposture mais aussi moments fugaces de solidarité et d’humanité. Participer à sa création, c’est donner voix à ceux qui restent silencieux, contribuer à une réflexion sur le bien-être dans le milieu hospitalier et soutenir un projet à forte valeur sociale et humaine. Destiné aux étudiants, professionnels de santé, formateurs et familles, ce récit s’inspire des témoignages introspectifs qui marquent, tout en aspirant à transformer la réalité du soin : rendre visible l’invisible et replacer la bienveillance au cœur de la profession.

Extrait

Dès le premier jour, l’illusion est tombée. L’accueil a été froid, expédié en deux phrases. Pas de sourire, pas de présentation. On m’a tendu un badge en plastique, on m’a indiqué le vestiaire du menton. J’ai compris que je n’étais pas attendu.

Les premières heures ont été un supplice silencieux. Les soignants passaient devant moi sans un regard, me lançaient des ordres rapides : “Va chercher ça”, “Suis-moi”, “Tiens ça comme il faut.” Je m’exécutais, maladroit, tremblant, toujours en décalage.
Chaque geste devenait une épreuve : prendre une tension, préparer un plateau, accompagner un patient. Tout était commenté à voix haute, devant les autres : “Il ne sait pas faire”, “Il n’écoute pas”, “Il n’est pas à l’aise.”

Je n’étais pas corrigé. J’étais exposé.

Très vite, j’ai cessé de poser des questions. Chaque fois que j’ouvrais la bouche, je sentais les regards agacés, l’impatience, parfois le mépris. J’avais l’impression d’être un poids mort dans le service. Un figurant inutile qui ralentissait tout le monde.

Le pire, ce n’était pas les remarques mais le silence. Cette façon qu’ils avaient de parler entre eux comme si je n’existais pas, de m’ignorer totalement. Je suivais dans les couloirs, je tenais la porte, je restais debout dans les chambres sans savoir où me mettre. Invisible et pourtant trop visible, toujours de trop.

Chaque matin en me levant, j’avais la gorge serrée, le ventre noué. La simple idée d’enfiler la blouse me donnait envie de fuir. Je prenais le bus avec la nausée, les mains tremblantes. Et chaque soir, je rentrais vidé, incapable d’ouvrir mes cours, me contentant de m’allonger et de fixer le plafond.

Ce qui m’a le plus marqué, c’est ce sentiment de maltraitance déguisée. Pas de coups, pas d’insultes directes. Mais une façon subtile de te faire sentir que tu n’as pas ta place.