Les éclats de mémoire

Née en 1962, Béatrice a vécu la majeure partie de sa vie d’enfant et d’adulte à l’étranger. Elle a travaillé dans plusieurs grands groupes industriels. Façonnée par les rencontres et les cultures, elle est une lectrice assidue - du polar au roman historique, en passant par la littérature contemporaine. Cette passion pour les histoires la conduit, sur le tard, à l’écriture. Aujourd'hui, elle partage son temps entre Barcelone, sa ville de cœur, et le Sud-Ouest de la France, où la tranquillité favorise son inspiration.

Ils dorment en nous, ces fragments oubliés, ces souvenirs enfouis. Il suffit parfois d’une odeur, d’un frôlement, d’un mot— et tout remonte soudain. À travers cinq nouvelles, cinq éclats de mémoire se révèlent, chacun ressuscité par un sens : un effluve d’antan, une parole furtive, une saveur troublante, un contact fugace, ou un semblant de déjà-vu. Les personnages vacillent, troublés par ce qui revient — si flou, mais si fort.

Les éclats de mémoire explore ces instants éphémères où le présent se trouble, où le passé surgit sans prévenir, à la faveur d’un détail. Dans ces nouvelles, les cinq sens agissent comme des portes d’entrée vers des souvenirs enfouis. Les récits plongent le lecteur dans des univers variés : du suspense d’un polar, à l’intensité d’un drame familial, jusqu’à la simplicité d’un quotidien presque ordinaire. Ce recueil de nouvelles est une invitation à se laisser surprendre par l’inconnu, une réflexion sur nos choix et les retournements imprévus du destin, qui nous réserve parfois des surprises.

Extrait  

Après s’être installé à l’hôtel, il s’était juste rendu à une boutique voisine pour louer une paire de ski, qu’il rendrait le lendemain matin. Il était maintenant confortablement installé sur un tabouret au bar de la terrasse de l‘hôtel, ses skis plantés à côté de lui. Il semblait être un vacancier comme un autre, prêt à reprendre les remontées.

Bien emmitouflé dans une doudoune dont il avait relevé le col, son bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles, il sirotait un chocolat chaud avec beaucoup de crème fouettée, comme on aime le boire en Bavière. Il venait justement de repérer Ursula, qui sortait du Spa, en riant aux éclats avec une de ses amies. Il la suivit pendant une demi-heure, ses skis sur l’épaule, l’attendant sagement à la sortie des boutiques, comme le ferait un mari bien docile avec son épouse. Cette pensée le fit sourire...

De loin il aperçut Wolfgang et son fils qui s’approchaient de Ursula ; il allait pouvoir poursuivre sa filature en se concentrant maintenant sur sa prochaine victime. Pendant que le couple échangeait quelques paroles, il chaussa ses skis, prêt à suivre Wolfgang jusqu’au télésiège. Il monta avec lui sur le dernier siège et pendant la montée fit mine d’admirer le paysage. Brrr !! Quel froid et quel vent, pensa-t-il, mais finalement cela servait bien ses desseins ; tout serait plus facile et sûr avec ces conditions météo…. Il sentait Wolfgang dans ses pensées et attendait le bon moment. Lentement les sièges se hissaient le long du câble jusqu’à être en vue de l’arrivée au sommet. Plusieurs dizaines de mètres avant l’arrivée, presque à l’aplomb du dernier ravin, c’était le moment propice que Théo attendait pour accomplir son plan soigneusement ourdi.