MOMENT D'ÉLOIGNEMENT

Gérald Hecquet est un picard d’adoption. Non loin de ses racines du Nord ni de Paris, la ville lumière qu’il côtoie comme une ambition dès ses études de technologies appliquées, il écoute les contradictions qu’impose parfois la vie. D’abord par le sport de haut niveau puis au fil d’un parcours professionnel exigeant, les rencontres exceptionnelles et les contextes étrangers s'enchaînent. En infatigable curieux formé à la rationalité, se nourrissant de nombreux voyages sur quatre continents, il construit peu à peu une sensibilité singulière face aux situations humaines ainsi qu’une écriture forgée d’émotions à l’épilogue tourné vers l’avenir.

Moment d'Éloignement est un roman contemporain introspectif qui dépeint la crise conjugale d’Erwan, un homme de 40 ans, marié depuis 17 ans et père de 3 enfants. Après la révélation du Tamagotchi son univers bascule. Le récit suit son cheminement à travers le choc de la trahison et la tentative de contrôle. Le protagoniste oscille entre introspection et douleur mais entreprend de regarder les faits en préservant le fruit d’une vie et de l’amour idéalisé. Une usurpation d’identité, la rencontre d’un personnage étrange et une confrontation avec d’inquiétants relents de l’Histoire animent le regard d’Erwan sur sa propre condition, font évoluer opportunément sa réflexion mais essentiellement sa conscience de l’évolution de son épouse. L’auteur distille une voix originale et métaphorique sans rien imposer au lecteur, lequel appréciera de prendre part aux échanges dans le couple avec sa propre sensibilité.

Extrait du livre : 

Pour la première fois depuis des semaines, depuis quatre mois en fait, je prends la seconde comme elle me surprend, sans reproche ni synthèse. Le manoir est hier, parti en fumée et avec lui, les oripeaux du malheur et la confrontation d’avec une peur à laquelle je ne sais donner un nom ni dessiner le contour. J’ignorais ce à quoi j’avais à faire. Pascale semblait radieuse au milieu de notre vie et il était assez normal que l’orgueil soit d’abord le ressort de ma révolte. Je me suis perdu dans un labyrinthe habillé seul du bâton de Diogène. La brutalité de ces derniers jours ne peut durer sans demeurer fou. Il a en effet fallu qu’une part de moi le soit et que l’idée que je me fais de ma vie soit suffisamment puissante pour que je la sauve au point de tout détruire en moi. Je comprends à cet instant avoir pris sur moi de l’épargner. Était-ce pour la garder telle je la connaissais ou parce que les apparences qu’elle me donnait à lire, indiquaient un changement incontrôlable ? Il est trop tard pour intervenir sur cette histoire et c’est bien face au soleil et au frêne et à cet instant, le cadet de ma pensée. Le prix de mon malheur était indexé sur le cumul de mes joies et sauf à ne plus aimer, il fallait pour me débarrasser de l’un, partir à une nouvelle conquête de l’autre. Pascale reste ce que je désire le plus au monde et à moins qu’un point de non-retour ait été atteint, le dialogue impossible, une synthèse de ce qu’elle a compris de ces semaines hors du temps, je ne désespère de rien. Je dois juste la laisser revenir vers moi, à son rythme. Hélène s’installe entre ses deux parents et pose la tête sur nos épaules à tour de rôle. Nous sourions bien sûr et je pèse le poids de ces quatre mois d’éloignement sans me soumettre à la culpabilité. Le temps passe et l’ombre se déplace sans un mot, je retire mes chaussettes et les projette comme avec une fronde, au-delà des escaliers. Ma vie va s’ancrer dans le réel, les chaussettes en sont le point d’orgue. Il est temps qu’une administration nouvelle de l’entreprise allège mon fardeau, c’est le moment de vivre autrement mon engagement Franc-maçon et d’accepter mes imperfections. Elles ont leurs mérites et sans elles, je n’aurais jamais rencontré Pascale, aimé Pascale et désiré.